Histoires d'ADN (1)- tiré de la revue "Transfert" N°17, sept.01 http://www.transfert.net

g Un slip vert et bleu

"Cette histoire-là se passe en Bretagne. Le 11 mai 2001, le juge Gilbert Thiel, chargé, à Paris, de la lutte antiterroriste, ordonnait la restitution du scellé n° VII/11. L'objet avait été saisi un an auparavant dans le cadre d'une enquête portant sur des " infractions à la légalisation sur les explosifs, association de malfaiteurs ayant pour objet de préparer des actes de terrorisme, destructions de biens par l'effet d' une substance explosive ayant entraîné la mort ". Nature du scellé : " un slip usagé de marque DIM, supportant des motifs, floraux, de couleur vert et bleu ". Ce slip appartient à Claude Le Duigou, porte-parole de la Coordination anti-répression de Bretagne (CARB). Le 3 mai 2000, ce professeur d'histoire est interpellé et transféré par hélicoptère à Lorient, puis Rennes, alors qu'il séjournait sur l'île de Groix avec des élèves de l'école bretonne Diwan. Le Duigou fait partie des quelque 120 militants ou sympathisants de la cause indépendantiste bretonne interrogés par la Division nationale anti-terroriste (DNAT), à la suite de l'attentat du 19 avril 2000 qui avait détruit le McDo de Quévert (Côtes-d'Armor). Une jeune femme y avait trouvé la mort. La police a découvert une trace d'ADN en lien avec l'affaire, et elle exige de Le Duigou, au cours de l'interrogatoire, qu'il crache sur un buvard. Le militant refuse, la DNAT passe outre : elle se contentera de lui confisquer un vêtement de corps (le fameux slip). Le policier chargé d'effectuer le prélèvement le saisira à pleines mains sans mettre de gants, au risque que son ADN se confonde avec celui du militant et entraîne une " pollution génétique " incompatible avec une analyse rigoureuse. Parmi les 120 militants bretons gardés à vue, sept sont emprisonnés à ce jour, mais les autres n'ont été entendus qu'à titre de " simples témoins ". Mais toutes les personnes interpellées ont été fichées génétiquement. La DNAT a même été jusqu'à confisquer des brosses à dents d'enfants de militants, toujours à des fins de prélèvements, ainsi que des chaussettes, des mégots... sans parler du matériel informatique. Selon Alain Tourre, chargé de la communication auprès du directeur général de la police nationale, les objets saisis ne peuvent être conservés, et devraient donc être détruits. Claude Le Duigou en doute : déjà placé en garde-à-vue il y a quelques années, il a eu la désagréable surprise de constater que les fiches qui avaient alors été constituées, et qui auraient dû, elles aussi, être détruites, avaient été conservées. En matière de terrorisme, la loi offre aux forces de l'ordre des pouvoirs étendus qui ont, d'ailleurs, été largement critiqués par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), une émanation de la Direction des droits de l'homme du Conseil de l'Europe. La première dénonçait, dans un rapport intitulé "La porte ouverte à l'arbitraire", les " lois exception " en matière de lutte anti-terroriste, la seconde les " pratiques inadmissibles", de la DNAT. L'utilisation de l'ADN demeure donc sensible, tout comme le futur fichier qui sera constitué. Le Groupe de travail sur la protection des données personnelles du Parlement européen demandait, en 1998, que les données génétiques prélevées dans le cadre d'une affaire ne soient ni conservées ni réutilisées dans le cadre d'une autre affaire, et qu'elles soient tout bonnement détruites. La CNIL, qui avait rendu un avis favorable à propos du FNAEG, n'a pas été saisie du nouveau projet de loi. Mais quelle que soit la taille du futur fichier national, il lui appartiendra, ainsi qu'à un magistrat du parquet, de veiller à sa bonne utilisation. Vaste, besogne... "

[accueil] [familles] [témoignage] [répression][garde à vue][présomption d'innocence] [contexte législatif] [les prisonniers politiques] [femme d'algérie] [lexique] [liens] [courrier]