"PRATIQUES INADMISSIBLES" EN GARDE A VUE ET EN PRISON : LA FRANCE CRITIQUEE PAR LE COMITE EUROPEEN POUR LA PREVENTION DE LA TORTURE.

Le Comité pour la Prévention de la Torture et des traitements inhumains ou dégradants vient de rendre un rapport sur la situation en France. La volée de bois vert qu'il envoie à la France, patrie autoproclamée des droits de l'Homme, rejoint et conforte les critiques qui sont exprimées régulièrement depuis l'automne 1999, notamment pour ce qui est des gardes à vue et de la situation dans les prisons où la situation des malades est particulièrement préoccupante.
Ce rapport, dénonce les "pratiques inadmissibles" de la police politique française D.N.A.T. (Division Nationale Anti"Terroriste") qui prive de sommeil les personnes gardées à vue pendant 96 heures (pas de couvertures, lumière constamment allumée), sans accorder de repos suffisant entre les interrogatoires. L'hôpital des prisons de Fresnes, où ont justement été "soignés" les prisonniers politiques bretons Alain Solé et Paskal Laizé, est particulièrement critiqué dans le rapport et fait partie des sites "en deçà des normes d'un pays démocratique".

g Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite en France effectuée par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 14 au 26 mai 2000
Strasbourg, 19 juillet 2001

[EXTRAITS]
14. La délégation du CPT a entendu un certain nombre d'allégations de mauvais traitements de personnes détenues par des membres des forces de l'ordre (…). La plupart de ces allégations visaient la police nationale. (…) Les allégations entendues se référaient principalement au moment de l'interpellation, y compris après que la personne intéressée eût été maîtrisée. (…).

16. Il convient également de faire mention des allégations faites par deux personnes, avec lesquelles la délégation s'est entretenue à la maison d'arrêt de Paris-La Santé, qui avaient été récemment gardées à vue pour suspicion d'activités terroristes. Elles étaient restées, toutes deux, en garde à vue pendant quatre jours.
L'une de ces deux personnes a affirmé qu'elle avait été traitée avec brutalité et que, pendant l'interrogatoire, les policiers l'avaient giflée et lui avaient tiré les cheveux. Elle a aussi déclaré avoir été interrogée en continu au cours de sa détention par la Division nationale anti-terroriste (D.N.A.T.) à Paris, y compris la nuit, et n'avoir été autorisée à se reposer dans une cellule que six heures environ, sur la soixantaine d'heures passées en détention. La seconde personne a affirmé avoir été interrogée de manière répétée, y compris la nuit, mais avoir été autorisée à rester dans une cellule pendant des périodes plus longues ; toutefois, elle a indiqué ne pas avoir obtenu de couverture et que la lumière était restée allumée en permanence dans sa cellule.
Certains aspects des déclarations faites par ces deux personnes ont été confirmés par les registres tenus dans les locaux de détention utilisés par la D.N.A.T. à Paris (durée/début et fin des interrogatoires, par exemple). S'agissant plus particulièrement de la seconde personne, une note avait été consignée faisant état d'instructions formelles émanant de membres de la D.N.A.T., selon lesquelles il ne fallait pas lui donner de couvertures (alors que des couvertures se trouvaient dans les locaux) ni éteindre la lumière dans sa cellule.
(…) En outre, eu égard aux cas cités au paragraphe 16, il est évident qu'interroger une personne détenue pendant des jours d'affilée sans lui octroyer suffisamment de temps pour se reposer entre les interrogatoires ou lui imposer des conditions de détention telles qu'il lui est difficile de dormir, constituent des pratiques inadmissibles. Le CPT recommande de prendre des mesures pour garantir que les membres de la Division nationale anti-terroriste n'usent pas de telles pratiques.

32. (…)des restrictions continuent de s'appliquer au droit à l'accès à un avocat lorsque la personne détenue est soupçonnée d'être impliquée dans des activités "terroristes", la criminalité organisée ou le trafic de drogue ; ainsi est-il toujours vrai que le droit à l'accès à un avocat ne devient effectif qu'après 36 ou 72 heures de garde à vue.(…) Par ailleurs, il semblerait ressortir des textes pertinents que le droit à l'accès à un avocat n'est pas reconnu à certaines catégories de personnes détenues par les forces de l'ordre (par exemple, les témoins que la police peut retenir pour recueillir leur déposition).

39. Il convient d'ajouter que, dans certains établissements (…) toutes les personnes gardées à vue - y compris les mineurs - étaient systématiquement menottées à une chaise durant les interrogatoires "pour des raisons de sécurité".

109. Le décret précise les conditions matérielles auxquelles doivent répondre les cellules disciplinaires (éclairage, aération, mobilier, installations sanitaires). Toutefois, dans les quatre quartiers disciplinaires visités (maison d'arrêt de Fresnes comprise), les cellules n'étaient pas conformes à l'une ou plusieurs des exigences posées. L'accès à la lumière naturelle était partout médiocre (…) Par ailleurs, en règle générale, les aménagements prévus pour l'exercice en plein air des détenus placés à l'isolement disciplinaire étaient peu attrayants et, à Paris-La Santé, les aires d'exercice en plein air étaient trop petites

Le CPT a de sérieuses réserves en ce qui concerne la situation de nombre de détenus placés à l'isolement pour des motifs administratifs que sa délégation a rencontrés lors de la visite ; ses réserves tiennent tant à la durée de l'isolement (parfois pendant des années d'affilée) qu'au régime éminemment restrictif auquel de tels détenus sont soumis (absence totale d'activités structurées et d'activités en commun).

116. (…)Le CPT est préoccupé de constater qu'il n'y a eu que peu de progrès en ce qui concerne l'accès des détenus au téléphone. Un tel accès est toujours refusé aux prévenus et seulement accordé à une minorité de condamnés (…).S'agissant des visites familiales et prolongées, celles-ci étaient toujours au stade de projets(…).

151. (…)Les dispositions en place étaient particulièrement préjudiciables aux personnes comparaissant devant un magistrat après avoir passé un temps considérable - parfois plusieurs jours - dans des locaux de détention non conformes aux standards requis, souvent d'une saleté repoussante, et sans avoir pu ni se reposer et s'alimenter correctement, ni avoir eu la possibilité de se laver et de changer de vêtements. Le CPT a regretté qu'environ huit ans après avoir recommandé pour la première fois d'améliorer les conditions de détention, la situation restait basée sur une conception littérale de la garde à vue, privilégiant la nécessité de maintenir physiquement la personne à portée de vue au détriment de considérations liées à des conditions de détention décentes.

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