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g Portrait d'une femme : Amina KOUIDRI

- Ouest-France - 17 mai 2001

"Amina Kouidri. responsable dans sa ville de l’Association des victimes du terrorisme, veut témoigner sur la violence qui perdure en Algérie. Un jour d’octobre 1995, sa petite soeur de 12 ans a été assassinée. Depuis, Amina Kouidri se bat contre la violence en Algérie. Respon sable dans sa vllle de l’Association des familles victimes du terrorisme, elle achève une tournée de conférences en France. On y cultive les fleurs. Mais la région de Blida la Verte reste le secteur le plus sanglant des attentats en Algérie. Certains l’appellent le “Triangle de la mort”. Le pays natal d’Amina Kouidri. 28 ans, célibataire, cadre au centre de formation professionnelle de Lar-bâa, une ville d’environ 50 000l habitants. Le 29 octobre 1995, sa soeur cadette, Nour el-Houda, 12 ans a été enlevée de l’école et retrouvée égorgée, le même jour, devant une mosquée de la cité. "C’était horrible", se ouvient la jeune femme, fille d’un militaire décédé accidentellement en 1984 et aînée d’une famille de 9 enfants. "J’étais traumatisée, choquée. Je suis allée directement voir les terroristes dans la montagne. Je les ai trouvés avec des Kalachnikov à baillonnette, des tenus alghanes et des barbes. J’ai dit: “J’aimerais bien voir le chef”. Ils ont cru que j’étais joumaliste. J’étais dans un état incroyable. Je n’arriv e pas à le croire. Mais c’était plus fort que
moi. Le chef est arrivé. II rigolait. Il m’a répondu que ce n'était pas lui, mais, selon moi, c’est lui qui a donné l’ordre. Pouquoi? Dans quel but? Ce n'est pas le Coran. On est tous des musulmans. II m’a dit de revenir pour une réunion avec ces hommes, mais je n'y suis pas retournée car le groupe m'aurait tuée."

Depuis, la brune Amina est devenue une responsable locale de Djazairouna, la principale association des familles victimes du terrorisme, forte de 4000 adhérents. Douée d’un solide tempérament, elle refuse tout engagement politique, mais mobilise les gens sur place. "J’ai fait une manif à Larbàa avec 700) femmes dans la rue: elles ont enlevé les foulards." A la suite de cette action, la "combattante" pacifique de Larbâa, qui porte le pantalon comme un défi, a dû se cacher pour échapper aux représailles des intégristes. "C’est toujours une zone très chaude, la base des terroristes: beaucoup da massacres,beaucoup de victimes. La mort violente, pourtant, ne lui fait pas peur. C’est sa maman qui tremble pour elle, qui redoute de perdre une deuxiéme fille. "Je lui dis d’être fière de moi, si jamais le meurs sur la terrain en gagnante." Bien que se sentant toujours menacée, Amina Kouidri est revenue dans sa ville, où elle circule sans protection. Avec son association, elle s’efforce de mettre en place des actions de soutiens scolaire et psychologique aux orphelins. Elle se déplace réguliérement à l’étranger: "L’Algérie doit sortir doit sortir d ce e drame incroyable avec la solidarité intenationale." Terre des Hommes lui a permis de rencontrer le pape Jean-Paul II au Vatican. Depuis le 24 avril, c’est àl’invitation du Mouvement de la paix qu’elle sillonne la Bretagne, raconte son histoire, recueille des dons pour son association (l), développe son projet d’offrir des vacances en France à des centaines d’orphelins du terrorisme. Et la réconciliation? Difficile quand Amina voit circuler librementdans les rues de sa ville celui qu’elle considére comme l’instigateur du meurtre de sa sceur. "Je suis contre la politique de concorde civile. Mon association demande que les criminels soient punis. C’est intolérable de les croiser maintenant, c’est impossible de voir ça.» Pour Amina, il n’y a pas de pardon sans justice."


Jacques GALLOT.
(1) Pour aider Amina Kouidri et son association: 02 99 51 24 03.


g Portrait tiré du quotidien "le matin"

Elle possède un tempérament de feu. A 28 ans, Amina Kouidri a traversé comme peu les années terribles qu’a connues le pays. Un parcours peu commun. Du courage à revendre. A Larbâa, elle a été la première à défier Mustapha Kertali, chef de l’AIS, dans son fief.
Amina n’a pas oublié l’assassinat de sa jeune petite sœur, Nour El Houda, 12 ans, enlevée avec sa copine Souad, un 29 octobre 1994, retrouvées toutes les deux égorgées à Cherarba. L’AIS a alors interdit aux habitants d’assister à son enterrement. Nour El Houda, en ces temps de terreur, a été inhumée en présence de quatre personnes, dans un anonymat total. Qu’a fait cette petite fille qu’on voit sourire sur une photo au milieu d’autres enfants de son âge dans une cour d’école ? Rien. C’est sa sœur aînée qui était ciblée. L’assassin, Hassen Zerkouk, un homme de Kertali, est aujourd’hui libre. En 1995, Amina croise Zerkouk et ses hommes sur la route de « Range » ainsi appelée par les habitants de Larbâa. Elle s’en souvient : « C’est toi qui m’as insultée, nous avons purifié ta sœur pour permettre à ta mère d’aller au paradis », lui a-t-il dit, après l’avoir traitée d’« ennemi de Dieu ». Pourtant ce jour-là, Amina qui se savait menacée s’est déguisée avec un djelbab, ce voile noir qui couvre une femme de la tête aux pieds. Mais elle a été dénoncée, dit-elle, par un voisin. Zerkouk l’a laissée partir non sans proférer des menaces. Amina s’est réfugiée chez la famille d’un gendarme. Le DEC l’a aussitôt conduite en taxi au poste de police. Et ce sont les policiers qui l’ont escortée jusqu’à Alger par crainte d’un assassinat. Son nom figurait sur des affichettes de l’AIS placardées à Larbâa, Khemis El Khechna jusqu’à Aïn Defla.
Amina est contrainte de quitter Larbâa où les islamistes tenaient pratiquement la ville. Elle reviendra seule en 1997, après avoir séjourné à Laghouat avec toute sa famille. Pendant cinq ans, elle va se battre. Elle est partout. A Genève, elle témoigne contre les crimes islamistes. Dans la salle où elle témoignait, un homme habillé en djellaba blanche, barbu et portant des lunettes fumées, est entré et l’a regardée avant de ressortir : c’était Anouar Haddam. « J’attendais qu’il prenne la parole », dit-elle d’un ton déterminé, « il m’aurait alors entendu. » A Rome, lors d’une rencontre internationale, elle s’adresse à Kofi Annan qui venait de déclarer que la situation est complexe en Algérie et qu’il ne savait pas qui tuait. Devant un parterre de personnalités dont l’ambassadeur d’Algérie, elle lui rétorque que ce sont les « islamistes qui tuent ». Kofi Annan lui demande de quelle région d’Algérie elle est. Amina lui répond : « Je suis de Larbâa, dans la wilaya de Blida, dont on parle dans tous les médias du monde. » Et elle lui assène sa vérité, citant des noms de terroristes, dont les assassins de sa sœur. Elle va sillonner l’Europe, témoignant sur l’horreur intégriste. La nuit du Mouloud 1994, elle s’en souvient : « 36 bombes ont explosé en différents endroits de Larbâa, détruisant des écoles, des lycées, le palais de justice, le siège de la daïra, les banques et le CFPA. Les gens ont été terrorisés. Certains ont bradé leurs appartements et leurs villas avant de quitter la ville. Ces actes ont été revendiqués par Kertali par voie d’affichettes », avant d’ajouter : « C’est de cela dont je me suis fait aussi le témoin partout où j’ai été invitée en Europe. »
De retour à Larbâa, elle crée une association des victimes du terrorisme. Rapidement, elle constitue des dossiers. « 300 personnes assassinées, avec les noms de ceux qui les ont exécutés. Et ce n’est pas fini », dit-elle avec le sourire. Le 8 mars, ce petit bout de femme fait sortir 6 000 femmes dans Larbâa contre le terrorisme. « C’était dur de les faire sortir. » Elle prend la parole pour la première fois devant elles et dénonce Kertali et ses hommes. Amina est aidée par Lamri Mansouria, DEC de la ville. Ce jeune cadre bancaire a tout laissé tomber en constituant le premier noyau de Patriotes. Aujourd’hui, il est maire RND, élu sans trucage d’urnes, sa notoriété a plaidé en sa faveur lors des élections communales. Amina s’arrête de parler, fouille dans ses dossiers et me montre les photos de ce 8 mars où elle marche en tête des femmes, défiant l’AIS, qui n’était pas si loin.
Alors Kertali ? « C’est un zéro », lance-t-elle avec rage. « Tenez, quand l’AIS a décrété la trêve, je suis allée le voir dans la montagne. C’était en janvier 1998. J’ai rencontré des hommes de l’AIS que je connaissais. Je leur ai dit, je veux voir Kertali. Ils m’ont répondu, « appelle-le Cheikh ou Hadj » pas par son nom. Kertali, entouré d’une vingtaine de ses hommes armés, m’a prise pour une journaliste. « Qui es-tu ? m’a-t-il dit. C’est toi qui parles de moi dans Le Matin et El Watan ? » Je lui ai dit qui j’étais et je lui ai demandé pourquoi il a fait assassiner ma petite sœur. Il a répondu : « Ah, c’est toi qui es allée à l’étranger pour parler de moi. Tu es une communiste. Sache que ce n’est pas moi. Si nous avons décrété la trêve, c’est pour dévoiler aux yeux de tous qui sont les assassins. » Je lui ai alors indiqué que l’assassin n’est autre qu’un de ses adjoints, Hassen Zerkouk. Kertali m’a répondu qu’à l’époque il était à Khemis El Khechna, que Zerkouk ne savait pas ce qu’il faisait et qu’aujourd'hui il est dans le droit chemin. Je lui ai répondu : « Pour montrer ta bonne foi, exécute Zerkouk ou alors livre-le à la justice. » Bien sûr, Kertali ne l’a pas fait. Amina raconte que l’entretien a duré 20 minutes. Sans résultat. Le fait d’avoir tenu tête au chef de l’AIS a fait le tour de la ville.
A Larbâa, elle ne passe pas inaperçue. Un jour, alors qu’elle téléphonait d’un taxiphone dans le centre-ville, elle est interpellée par le frère de Bengouia, terroriste notoire, qui a participé à l’assassinat de sa sœur. Le ton monte et faute d’arguments, il a cherché à la frapper. « Tu ne vas pas nous faire peur », lui lance-t-il sur un ton menaçant, devant des témoins.
La jeune femme ne veut pas oublier. Oublier son amie Nadia Tchouk, 24 ans, première femme assassinée à Larbâa, devant elle, à l’arrêt d’un bus durant l’hiver 1994, et tous les autres, femmes, hommes et enfants. La paix civile ? Elle est pour. « Il faut que les tueries cessent, dit-elle, mais il faut que la justice s’applique à ceux qui ont commis des crimes. Je ne pardonnerai jamais aux assassins de ma sœur. La concorde civile ne doit pas être utilisée comme un champ libre pour que ces assassins reviennent comme si de rien n’était. »

Hassane Zerrouky

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