ENFANTS

g Point de vue d'un médecin psychiatre, titulaire d'un DEA de civilisation de la Bretagne


"Il s'agira brièvement ici de problèmes généraux que pose aux enfants le militantisme de leurs parents et de ceux que peuvent poser aux parents d'éventuelles réactions de leurs enfants à leur militantisme.

A propos des traumatismes provoqués par des évènements comme ceux qui sont récemment survenus à Quimperlé et des réactions anxieuses des enfants (qui peuvent apparaître dans leurs paroles ou sous forme d'irritabilité, de troubles du sommeil, de cauchemars), je dirais seulement que le temps doit faire son œuvre et que progressivement tout doit rentrer dans l'ordre si, après les faits, les mesures adéquates ont été prises : laisser l'enfant évacuer son angoisse par des paroles ou par des dessins et l'y aider, éviter autant que faire se peut, de trop dramatiser et tâcher en sa présence de garder un calme rassurant. Ensuite n'y revenir que si l'enfant le fait spontanément, sans insister. Les symptômes sont en relation avec la violence et le caractère subit du traumatisme mais également avec la personnalité émotive et impressionnable de l'enfant.

Un autre élément intervient, c'est le contraste entre l'environnement plutôt paisible et parfois douillet dan lequel se déroule la vie quotidienne de l'enfant et la brutalité du " coup de tabac " auquel l'enfant n'est nullement préparé.
Si les violences irréelles vues à la télévision font soudain irruption dans la vie réelle, c'est tout un univers sécurisant qui s'effondre et laisse la place à un monde dangereux et menaçant.
L'absence de réactions perceptibles après l'événement traumatisant, ou si discrètes qu'elles passent inaperçues, n'apporte parfois qu'une fausse sécurité, car des troubles peuvent apparaître ultérieurement lors de situations déstabilisantes qui réactivent le traumatisme. Dans tous les cas, la personnalité paraît toujours un rôle majeur. Si les médicaments peuvent éventuellement aider à franchir une période difficile, la psychothérapie est ce qui permettra le mieux de retrouver un équilibre satisfaisant.


Abordons maintenant le sujet des militants et de leurs enfants.

Constatons tout d'abord la condition souvent difficile du militant breton. Même si la " foi " bretonne est partout répandue en Bretagne, elle l'est souvent à l'état diffus et si la revendication identitaire est bien acceptée sous son aspect culturel, il n'en est pas de même pour ce qui est de son aspect politique, jusqu'à présent, d'où la situation minoritaire du militant et sa famille. S'il associe une forte revendication sociale, son isolement risque de s'accroître. La tentation est le repli en compagnie de ceux qui partagent ses convictions.
C'est pourquoi une première mesure favorable aux enfants, de la part des parents, est de maintenir des ponts avec la société environnante.
Si l'enfant constate que chez ses parents une conviction ferme ne leur interdit pas d'être à l'aise avec des personnes qui ont d'autres centres d'intérêt, il acquerra une liberté d'esprit qui lui permettra de trouver plus tard sa propre voie. Elle ne sera peut-être pas exactement la même que celle de ses parents, mais, sans pour cela être à l'opposé, elle sera plus authentique.
Un autre élément important est celui du consensus indispensable au sein du couple parental au sujet des options suivies. Si l'un des éléments du couple est, ne serait-ce que réticent, l'enfant percevra cette réticence même si elle s'exprime avec discrétion ou modération, et il ne pourra qu'en être troublé. Dans ce cas l'attitude la plus raisonnable sera d'orienter l'enfant dans une direction qui recueille l'approbation des deux parents.

S'agissant des jeunes enfants, il est hautement souhaitable qu'il soit tenu à l'écart de ce qui trouble et inquiète les parents. L'agitation de l'enfant est contagieuse. S'ils posent des questions, il faut leur répondre mais les réponses doivent être simples, dépourvues de détails et précisions qu'ils ne réclament pas et qui seraient susceptibles d'accroître leur perplexité ou parfois leur désarroi.
Avec les adolescents la situation se complique. Si l'adolescent développe une attitude d'opposition envers ses parents ou envers l'un des deux il peut être tenté de prendre ses distances avec le militantisme familial, voire dans certains cas de prendre le contre-pied. Il se peut que le militantisme ait trop envahi la vie familiale ou que les relations de l'ado avec ses parents ou avec l'un d'eux soient orageuses depuis déjà quelque temps. D'où la nécessité de laisser l'ado respirer, d'accepter la contradiction, de relativiser son opposition, de répondre à ses interrogations, suffisamment pour qu'il se sente reconnu mais sans trop insister, de crainte de l'enliser dans une discussion interminable qui figerait davantage les positions respectives. Il serait souhaitable qu'il puisse s'orienter vers des activités créatrices.
Il existe un autre écueil, c'est que le grand adolescent adhère tellement à l'esprit familial que par une sorte de surenchère, il s'oriente vers un activisme que les parents pourraient déplorer.
Les parents doivent donc veiller au maintien d'un équilibre familial, la famille intégrant la dimension militante sans se laisser déborder par le militantisme.


En guise de conclusion provisoire, je dirais qu'il n'est pas facile dans les circonstances présentes d'être parent et militant politique breton.

En outre il ne faut pas perdre de vue, qu'en matière d'éducation des enfants, que l'on fasse ceci ou cela, il y aura toujours à redire, c'est Freud lui-même, que je cite ici de mémoire, qui l'a dit."


P.C.
Médecin psychiatre, titulaire d'un DEA de civilisation de la Bretagne

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